Naviguer l’inconnu avec douceur avec Céline
Dans cette entrevue menée par l’équipe du GASO, Céline, l’une de nos membres, raconte comment l’amour, la fatigue et la résilience façonnent son quotidien de mère… et de proche aidante. Entre les balades dans les parcs montréalais avec son fils et l’accompagnement de sa mère touchée par des pertes de mémoire et des douleurs chroniques, son témoignage nous rappelle à quel point le simple fait d’être présent peut faire toute la différence.
1. Peux-tu me parler un peu de toi ?
« Je viens de la Colombie-Britannique et mon mari et moi habitons et travaillons à Montréal depuis cinq ans. Nous avons un petit garçon de 4 ans, et on essaie d’être aussi actifs que possible avec lui : on fait plein d’activités en famille et entre amis. De manière incroyable, ses quatre grands-parents ont décidé de nous suivre à Montréal — on a vraiment de la chance, ils se relaient pour passer du temps avec lui après la garderie et les fins de semaine. C’est beau de le voir découvrir leurs passions, comme le ballet ou la pêche !
J’aime beaucoup rencontrer des gens dans la communauté, donc c’est super de voir que notre réseau s’est encore élargi depuis la naissance de notre fils. J’aime aussi faire du vélo, explorer les parcs et me promener le long de la rivière, près de chez nous à LaSalle. Ce n’est pas l’océan Pacifique, mais c’est tout de même magnifique d’observer les rapides, les oiseaux, et surtout les couleurs flamboyantes de l’automne.
Vivre à Montréal, c’est vraiment agréable. Même si on manque parfois de temps, ça me permet de revoir plus souvent des proches qu’on ne voyait qu’à l’occasion avant notre déménagement. On aime beaucoup explorer les petits quartiers charmants et participer aux événements culturels de la ville. On est de vrais 'foodies', on adore aussi la musique — c’est une ville idéale pour nous ! »
2. Quelle place occupe le rôle de proche aidante dans ta vie ?
« Depuis cinq ans, ma mère souffre de douleurs chroniques causées par une infection, et plus récemment, elle a commencé à présenter des troubles de la mémoire. Ça a eu un gros impact sur sa vie, car elle était auparavant très active : elle marchait beaucoup, voyait ses amies et participait à des groupes communautaires.
J’essaie de soutenir autant ma mère que mon père dans cette réalité, mais c’est aussi difficile pour moi. Ces changements ont un effet sur son humeur, et comme sa douleur la limite dans ses déplacements, elle et mon père ne sortent presque plus pour faire de longues promenades. Heureusement, passer du temps avec notre fils leur apporte beaucoup de joie.
Mon père a commencé à remarquer davantage de changements dans sa mémoire. Il a fallu du temps et pas mal d’insistance pour que ma mère accepte qu’on prenne rendez-vous chez le médecin. Et encore aujourd’hui, ce n’est pas toujours facile pour elle de comprendre ou d’accepter l’importance de consulter son équipe médicale — une équipe formidable qui comprend maintenant une infirmière et une travailleuse sociale. Chaque fois qu’elle accepte d’y aller, je ressens un vrai soulagement, surtout quand elle me dit ensuite qu’elle est contente de l’avoir fait.
J’essaie de les accompagner aux rendez-vous autant que possible, ça aide mon père aussi, et je peux leur expliquer certaines choses au besoin. Comme on pense être encore au début du déclin cognitif, ce n’est pas toujours évident de savoir si elle a simplement oublié quelque chose — comme ça arrive à tout le monde — ou si c’est vraiment un effet de la perte de mémoire. (Elle aime bien plaisanter quand moi aussi j’oublie des choses !) Après une série de tests de mémoire, elle a été référée à un spécialiste en gériatrie, qui a recommandé d’autres évaluations. On attend un suivi pour savoir si elle vit avec un trouble cognitif ou si c’est une forme de vieillissement normal de la mémoire. »
3. Jusqu'à présent qu'as-tu appris de ton expérience en tant que proche aidante ?
« J’ai appris à demander de l’aide et à être plus patiente, autant envers ma mère qu’envers moi-même. L’hiver et le printemps derniers ont été particulièrement éprouvants : c’est à ce moment-là qu’on a vu apparaître les plus grands changements, sans trop comprendre ce qui se passait ni comment réagir. C’était frustrant, j’étais dépassée. J’essayais d’être présente et aidante, mais je manquais de patience et j’étais épuisée entre mes responsabilités de proche aidante, de mère et mon travail.
Avec le temps, j’ai pris conscience que ma mère vit beaucoup de peine à cause de tout ça. Apprendre à mieux comprendre la perte de mémoire, à connaître les ressources disponibles dans le réseau de la santé, et obtenir du soutien — notamment de l’infirmière, de la travailleuse sociale et maintenant du GASO — m’a vraiment permis de développer plus d’empathie, de compassion et de patience.
Je me sentais très anxieuse à l’idée que sa mémoire continue de se détériorer, et j’avais peur de ce que les examens allaient révéler. Puis, j’ai compris que peu importe le diagnostic, la réalité, c’est qu’elle a changé. Mon rôle, c’est d’être là, de faire preuve de bienveillance, et d’essayer de profiter de notre temps ensemble autant que possible. J’ai aussi réalisé à quel point c’est important de prendre soin de moi.»
4. Qu’est-ce qui t'aide dans ton parcours de proche aidance ?
« La travailleuse sociale a été précieuse. C’est elle qui a proposé des groupes de soutien pour mon père et moi, et maintenant pour ma mère aussi. Elle essaie de l’encourager à participer à un programme de jour ou à des activités sociales et récréatives régulières. Nos rencontres, en individuel ou ensemble, m’ont beaucoup aidée.
Ça m’a pris du temps avant de contacter le GASO, mais heureusement, je l’ai fait. Parler avec mon intervenante Stéphanie et participer à mon premier groupe de soutien a déjà eu un impact positif pour mon père et moi. Échanger avec d’autres personnes qui vivent des défis semblables m’a soulagée. Ça rassure de se sentir moins seule, et les gens du groupe ont partagé plein de conseils utiles.
C’est un peu frustrant d’apprendre que certains services ne sont accessibles qu’en présence d’un diagnostic, mais je comprends aussi cette réalité. Je crois que toutes les familles commencent à réagir à un moment ou un autre aux changements de santé d’un proche, et que ça évolue avec le temps. Ce qui est essentiel, c’est d’aller chercher du soutien. Pour nous, ça a tout changé.»
5. Est-ce que cette expérience t'a transformée ?
« Oui. Même si j’ai toujours été présente pour mes parents, cette expérience m’a permis de développer plus d’empathie, plus de patience. Avant, c’était difficile de ne pas être frustrée quand ma mère ne se souvenait pas de choses qu’on venait tout juste de discuter. Maintenant, je vois à quel point elle est consciente des changements. Et ça, c’est sûrement très angoissant pour elle. Elle m’a dit à quel point c’est frustrant de s’en rendre compte. C’est difficile pour toute la famille, mais on vit ça par vagues. Parfois ça va mieux, parfois moins. Tout ça nous a aidés, mon père et moi, à mieux comprendre non seulement sa réalité à elle, mais la nôtre aussi.
J’ai aussi appris à moins réagir à ce qui m’irrite, à laisser aller certaines choses, et à simplement apprécier les bons moments. »
6. Que dirais-tu à une personne qui commence son parcours de proche aidant·e ?
« Tu n’es pas seul·e. Prends soin de toi. Tu ne peux pas tout faire, surtout pas seul·e, alors implique les autres membres de la famille si c’est possible, et va chercher tout le soutien que tu peux dans le réseau de la santé. Contacte des organismes comme le GASO. Parle avec des gens qui sont passés par là et demande-leur ce qui les a aidés.
Et surtout, même si tu n’as pas toujours l’impression d’en faire assez, le simple fait d’être là, de rester présent·e et bienveillant·e, c’est déjà énorme. Et souvent, c’est ça le plus important. »