Dans cet article, Valérie Hill et Mélanie Montpetit, intervenantes psychosociales au Groupe des aidants du Sud-Ouest, vous présentent trois pistes d'action à explorer en vue de vous outiller face au sentiment de culpabilité en situation de proche aidance. Tout cela dans l’objectif de vous inviter à rester doux-douces avec vous-même, à reconnaître les efforts déjà présents dans votre quotidien pour mieux vivre avec la culpabilité et de vous aider à naviguer votre relation d’aidance dans les eaux les plus calmes possibles.
1. Apprendre à départager les responsabilités
Afin de reprendre du pouvoir face à la culpabilité, nous vous proposons de remplacer la culpabilité par la responsabilité. Si nous déconstruisons le mot responsabilité, nous pouvons faire le jeu de mot suivant : RESPONS/ABILETÉ, soit l’habileté à trouver de nouvelles réponses. Cela nous rappelle qu’une personne n’a pas à tout faire seule et que la personne malade a aussi sa part de responsabilité. En départageant ce qui nous appartient et ce qui appartient à l’autre, il est possible de sortir du réflexe de la culpabilité.
Pour vous aider à départager les responsabilités, nous vous proposons d’utiliser la grille d’analyse « JE TU CONTEXTE » élaborée par Michelle Arcand et Lorraine Brissette.
Dans cet outil, le « JE » correspond à ce qui m’appartient dans la situation; le « TU », ce qui appartient à l’autre, aux besoins de l’autre; le « CONTEXTE » réfère au contexte familial, social, économique, etc. Dans une situation, utilisez cette grille pour reconnaître la part du JE, celle du TU et celle du CONTEXTE. Cela permet de réduire le sentiment de culpabilité, de remettre une part de la responsabilité à la personne malade, aux autres (la famille) ou de s’appuyer sur des ressources du milieu.
« Je suis responsable surtout de moi, parfois des autres, pour certaines choses et pour un certain temps, pas dans n’importe quelle condition et surtout pas à n’importe quel prix pour ma santé physique et psychologique. »
2. Continuer à vivre malgré la culpabilité
Nous vous invitons à vous questionner sur votre relation avec la culpabilité : La lutte que vous avez menée jusqu’à présent contre la culpabilité a-t-elle fonctionnée? Si oui, continuez ce que vous faites.
Si non, nous vous proposons d’amorcer une relation différente avec la culpabilité, en l’acceptant complètement ; le but ne sera pas de contrôler la culpabilité, mais de changer notre relation avec celle-ci. Dans cette idée, la culpabilité reste présente, mais nous abandonnons la lutte afin d’agir avec celle-ci. Cette proposition semble illogique n’est-ce pas? Pourquoi accepter un sentiment aussi désagréable?
Voilà pourquoi : Lorsque nous cessons la résistance devant un ressenti désagréable, celui-ci perd tranquillement de son impact sur nous, il ne nous contrôle plus. Un des effets négatifs de la culpabilité est l’impression qu’elle nous contrôle. Ainsi, nous posons des gestes qui ne sont pas réellement ce que nous désirons ou avons de besoin.
La culpabilité grandit lorsque la motivation derrière nos actions est de l’éviter. Nous dépensons une quantité énorme à lutter contre cette émotion. Conséquemment, nous vous proposons de ne pas attendre qu’elle cesse afin de poser des actions significatives pour vous. Cet exercice demande beaucoup de tolérance à l’inconfort et de patience, car il est contre intuitif. L’invitation est de tenter d’amorcer des activités importantes pour nous-mêmes même si la culpabilité est présente, sans but de la faire disparaitre.
Un petit secret : son impact risque de diminuer au moment où vous ne serez plus autant motivé.e à la faire disparaitre. La culpabilité n’est pas nécessairement notre ennemie, elle nous renseigne sur ce qui est important pour nous. Tout de même, il n’y a aucune nécessité d’aimer ce sentiment afin qu’il perde de son pouvoir sur nous.
3. Se donner la permission d'être humain.e
Nous avons souvent tendance à nous mettre beaucoup de pression à agir d’une certaine façon envers l’aidé.e ou à atteindre un objectif qui ne dépend pas seulement de nous. Nous vous invitons alors à vous donner une permission, celle d’être humain.
Être humain implique que nous n’avons pas toujours le même niveau d’énergie. Ainsi, il est logique d’ajuster ses attentes envers nous-mêmes selon le degré d’énergie que nous avons à chaque matin. Prenons, par exemple, une journée ou vous vous sentez très en forme et disponible. Vous décidez de planifier plusieurs tâches importantes pour l’aidé.e le lendemain. Cependant, lorsque vous évaluez votre niveau d’énergie le lendemain, vous remarquez que vous avez manqué de sommeil et vous avez moins bon moral. Dans cette situation, il serait tout à fait légitime de reporter certaines tâches selon leur priorité et se concentrer sur votre bien-être. Dans cet exemple, nous pouvons percevoir clairement le contraste entre ce qui a été prévu et ce qui est présent dans la réalité du moment.
Voici un truc linguistique afin de réduire l’impression d’urgence reliée à une tâche : tenter de remplacer « il faut que » par « il serait préférable » ou « j’aimerais que ». Si vous ressentez moins de pression à effectuer une tâche, vous risquez de moins ressentir de culpabilité lorsque vous n’êtes pas dans la possibilité de la faire.
En tant qu’humain.e, il est normal de ressentir de l'inconfort face à l'erreur. Cependant, il est aidant de se rappeler qu’une situation n’est jamais fixe pour toujours. Des options se présenteront systématiquement à la suite d’un évènement. Celles-ci ne seront peut-être pas celles avec lesquelles nous sommes le plus confortable, mais elles existent tout de même. Au cours de notre vie, nous serons appelés plusieurs fois à vivre des situations imparfaites ou insatisfaisantes. Nous pouvons donc poser un regard global sur les expériences difficiles qui ont composé notre parcours de vie et réaliser que nous avons développé de la résilience à travers ces épreuves.
Afin de vous accorder plus de douceur et un degré semblable d’empathie que vous offrez à votre proche, tentez de compléter les phrases suivantes le plus automatiquement possible … et surprenez-vous ! :
Si j’étais 5% moins dure envers moi-même, je ferais…
Si je m’autorise à un être un.e simple humain.e, je ferais…
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